FULGURANCES COMPAREES
Rappelons la trajectoire météoritique d’Emmanuel MACRON : Après quelques années dans une banque d’affaires, il est appelé par François Hollande en 2012 comme secrétaire général adjoint de l’Elysée, puis nommé 2 ans plus tard ministre de l’économie. Il crée ex nihilo son mouvement politique qui le porte au sommet de l’Etat en mai 2017 à l’âge de 39 ans. Il est le plus jeune Président de la république devant Valéry Giscard d’Estaing qui fut élu à 47 ans.
Face à ce phénomène, Il est tentant de remonter le temps pour essayer de dénicher une trajectoire aussi fulgurante et atypique. Enjambons d’un grand pas les présidences de la 5è République qui furent toutes muries de longue main dans les arcanes habituelles de la politique et rendues possibles par le contrôle d’un parti et les expériences ministérielles. Georges Pompidou fait toutefois exception sur ce point car il fut nommé premier ministre par le Général de Gaulle sans être au préalable ni ministre ni chef de parti. Mais il collaborait avec le Général depuis la Libération et faisait donc partie du paysage. De Gaulle quant à lui sortit de l’anonymat et connut son moment de fulgurance avec l’appel du 18 juin même si celui-ci fut entendu par peu de monde. Il marqua ainsi son entrée dans l’Histoire. La suite de sa vie politique fut plus chaotique : chef du gouvernement provisoire à la Libération, démission quelques mois plus tard, traversée du désert jusqu’à son élection tardive comme Président de la République.
De 1870 à 1958, les 3è et 4 è Républiques furent dominées par un parlementarisme mou, source d’instabilité chronique et de conformisme du personnel politique jusqu’à l’arrivée du Général de Gaulle appelé au pouvoir en 1958 sur fond de crise algérienne. Aucune personnalité de premier rang, non-issue du monde politique, ne jaillit en prenant tout le monde par surprise pendant cette longue période. Remontons au pas de charge la longue liste des gouvernements de la 3 è République. Ce n’est pas faire injure aux grands noms de ce régime que furent Gambetta, Poincaré, Clemenceau, Blum, que les saluer de loin sans s’arrêter. Ils ne sont pas dans le périmètre de cette tribune car tous issus du sérail : parlementaires, ministres blanchis sous le harnais avant de passer à la postérité.
On arrive au Second Empire et à Napoléon III qui profita de la révolte populaire et du départ précipité de Louis-Philippe pour se glisser sans expérience politique au sommet de l’État. Il était le neveu de Napoléon. Les fées politiques s’étaient penchées sur son berceau. Il ne peut donc être retenu. Le survol des carrières sous la Monarchie de juillet, Charles X et Louis Philippe ne permet pas de grossir les rangs du club décidément très restreint des petits génies politiques isolés. L’oiseau est rare ! Il est vrai que le contexte monarchique s’y prêtait mal.
A nous Bonaparte! La similitude de sa marche vers le pouvoir avec celle d’Emmanuel Macron est éclatante. Bonaparte est issu d’une famille corse aisée, il part en métropole, fait l’école de Brienne (l’équivalent de Saint-Cyr) et entame une carrière militaire avec les premiers succès que l’on sait. Il a le goût du pouvoir. En 1799, alors que sa campagne d’Égypte tourne au désastre, il apprend que le Directoire est au plus mal, il confie son armée aux bons soins de ses généraux, rentre à Paris dare-dare et précipite la chute des Directeurs. Il crée le consulat dont il est le premier puis bientôt le seul consul et pose lui-même la couronne d’Empereur sur son auguste chef en 1804, à l’âge de 35 ans. Ils ont en commun l’extrême jeunesse, l’inexpérience politique, le sens du coup de main. Ils conquièrent le pouvoir à la hussarde en 5 ans sans base politique. Ils partagent l’audace dans la décision, la rapidité dans l’action. Ils ont le goût du pouvoir centralisé, font peu de cas des corps intermédiaires. Ils sont désireux d’agir et de reformer. Macron a déjà quelques Austerlitz à son actif. Espérons la suite.
EB