KORNWOLF LE DEMON DE BLUE HALL de TRISTAN EGOLF
Dans la Pennsylvanie profonde peuplée d’amish rigoristes et d’une middle class rétrograde, ressurgit le démon de Blue hall, bête mystérieuse qui jadis ravagea la région. A nouveau, des incendies, meurtres et dévastations diverses mettent le pays sans dessus- dessous. Le démon de Blue hall, caméléon doué d’ubiquité ou nouvel avatar du loup-garou est un responsable tout désigné. Loup-garou ? Risquons une définition : créature mi-homme, mi-bête, érotomane à la peau translucide néanmoins parsemée de scrofules qui parcourt de grandes distances à la vitesse de l’éclair pour assouvir des pulsions meurtrières les nuits de pleine lune. Ouf ! La bête, dont les premières apparitions datent du Moyen âge, s’abrite de la lumière des périodes de haute civilisation dans des refuges troglodytes et ressurgit dans les phases de violence et d’obscurantisme. Les habitants de Pennsylvanie ravagés par la fureur et la crainte lui prêtent vite le visage d’Ephraim Bontrager, jeune membre de la communauté amish, muet légèrement débile qui porte les stigmates de la créature (voir ci-dessus). Il est en réalité une pure victime des névroses collectives et du corset asphyxiant des règles amish. Des hordes gorgées de budweiser, armées de faux et de marteaux se livrent à une chasse à l’homme pleine de fracas et de haine. Ephraim échappe à la curée. Dans cette société décomposée, seuls les parias méritent d’être sauvés.
Ce livre est-il une pure fantasmagorie ou l’allégorie d’une Amérique profonde et de ses poches d’inculture et d’arriération. Tout est ouvert. Chacun lira ce qu’il voudra.
Il faut parfois attaquer le récit à la pioche mais quand on atteint le point d’incandescence, quel bonheur ! Des approximations dans la construction du récit et quelques provocations inutiles - simples péchés de jeunesse - sont peu de choses à côté du souffle du démiurge, marque des grands écrivains trop rarement rencontrée.
Tristan EGOLF, jeune américain « découvert » en France par Patrick MODIANO dans des circonstances romanesques aura été l’éphémère auteur de deux livres dont le baroque-flamboyant « Seigneur des porcheries ». Il s’est suicidé il y a quelques années à l’âge de 27 ans. Une grande perte pour la littérature contemporaine. Il est difficile d’écarter l’idée que la puissance de l’écrivain a trouvé un écho dans la fragilité de sa vie. EB