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VIRGINIE DESPENTES AU SECOURS DE LA LECTURE



Les voies de Seigneur sont impénétrables. Et celles de la littérature ?. Avez-vous entendu parler de Virginie Despentes ?.Ancienne prostituée, alcoolique et droguée qui publie depuis une dizaine d’années des ouvrages aux titres sulfureux. Adoucie par l’age et le succès elle a rejoint l’Academie Goncourt et avoue en rougissant son gout pour le cachemire. Moment de soulagement. Vous pouvez poursuivre la lecture de ce post sans éloigner vos enfants et petits enfants mais faites le par précaution s’il vous prend de lire son dernier livre au titre ravageur : « Cher connard » edité par l’honorable maison « Grasset » qui a publié Proust, Pagnol .. et tant d’autres gloires littéraires. Ceci sous la houlette de Piere Nora un des hauts dignitaires de l’intelligentsia française. Rome n’est plus dans Rome !

Pour que cette lecture vous soit agréable et bénéfique, efforcez-vous de dissocier votre jugement personnel (j’aime, j’aime pas) de l’appréciation que vous allez porter sur l’apport de l’auteur à la littérature et ses qualités intrinsèques. Selon moi, un « vrai écrivain » a trois caractéristiques : avoir un style et pas seulement du style. Dans le premier cas l’auteur laisse une trace en vous qu’il faut frotter très fort pour effacer ; Vous ne pouvez pas écrire juste après l’avoir lu. Avoir du style consiste simplement à se couler dans le moule des plus grands, estampillés par les académies et enseignés à l’école il y a quelques générations. Disons Chateaubriand. Il faut aussi du souffle et être un demiurge ( en langage courant : créer un univers) . Despentes est pourvue des trois : un style et du souffle produits de son tempérament rugueux, de ses origines modestes et de son esprit révolté. Elle lâche la bride à sa plume, puissante monture qui galope à corps perdu dans les méandres des banlieues à l’abandon, les amours toxiques et les drogues qui vont avec. Munie d’une solide lampe frontale elle explore les recoins du quart- monde et des humains recrus de solitude. Elle invente des mots qui font grincer les dents des puristes mais se retrouvent un jour sur les tablettes de l’Académie française. Elle déterre des mots du moyen âge, les époussette et les refile à des adolescents à capuche à la recherche d’une langue à eux. Elle a le feu à la plume tel Genet, Calaferte, Henri Miller, la provocation et la grossièreté sous le capot comme Céline. Les amoureux de la littérature trouveront leur compte dans l’écho qu’elle renvoie de ces grands écrivains d’abord proscrits puis blanchis par le temps et le succès. Elle attire dans ses filets les biberonneurs de mangas et les abonnés compulsifs de twitter qui se laissent happer par la description d’un monde qui est le leur. Les ennemis du « système » trouvent dans la révolte et la provocation de l’auteur un baume à leurs névroses. En faisant le grand écart entre « Drouant » et la Courneuve elle joue un rôle de passeur entre le monde de Saint-Germain des prés et celui des oubliés et ramène à la lecture une armée de brebis perdues. Les voies de la littérature sont bien impénétrables.


Edouard Berlet


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