MAGELLAN par STEPHAN ZWEIG

Si vous aimez la mer, si avez le goût de l’aventure et rêvez de terres inconnues, une lecture que nous vous conseillons est la biographie du navigateur portugais Magellan per Stefan Zweig (Edition Le cahier Rouge Grasset). Une vraie plume de talent pour rendre hommage à cet homme au destin extraordinaire.

C'est sur un paquebot trop confortable, en route pour l'Amérique du Sud, que Stefan Zweig eut l'idée de cette odyssée biographique. Il songea aux conditions épouvantables des voyages en mer d'autrefois, aux tempêtes, à l’inconnu, à leur solitude. Il songea à Magellan, qui entreprit, le 20 septembre 1519, à 39 ans, le premier voyage autour du monde. Un destin exceptionnel... Il convainc le roi d'Espagne, Charles-Quint, d'un projet fou ; " Il existe un passage conduisant de l'océan Atlantique à l'océan Indien. Donnez-moi une flotte et je vous le montrerai et je ferai le tour de la terre en allant de l'est à l'ouest " (C'était compter sans l'océan Pacifique, inconnu à l'époque..). Il se trouvera au milieu de mille difficultés pour mener son projet à terme pendant une époque où les tensions entre le Portugal et l'Espagne étaient palpables, chaque pays souhaitant s'approprier un maximum de terres étrangères. Le but de l'expédition, au-delà de la volonté de coloniser, était de trouver une route plus directe pour ramener des épices, un véritable luxe à l'époque, des pays lointains. Jalousies espagnoles, erreurs cartographiques, rivalités, mutineries, désertions des seconds à bord des navires pendant la traversée, froids polaires, faim et maladies, rien ne viendra à bout de la détermination de Magellan, qui trouvera à l'extrême sud du continent américain le détroit qui portera son nom. Dans ce formidable roman d'aventures, Zweig exalte la volonté héroïque de Magellan, qui prouve qu'" une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis et que toujours un homme peut faire de ce qui a paru un rêve à des centaines de générations une réalité et une vérité impérissables ". Quoi de plus angoissant mais à la fois de plus fascinant que l'inexploré !

Magellan aura réussi 'l'exploit le plus magnifique de toute l'histoire de la navigation" nous dit Zweig.

C'est maintenant seulement, en face de l'immensité de cette entreprise, que se révèle l'énergie de Magellan et le génie de ce grand écrivain qu’est Zweig. Tout au long de la lecture on sent le sel de la mer dans la tempête, on entend les hurlements des vents, on voit les nuages bas, gris, gorgés d’eau, prêts à se déverser sur la petite flotte. Et pourtant la grande aventure continue, personne ne peut l’arrêter.

Et en guise d’apothéose qu’elle est belle la fresque dressée par l’auteur, qui place la petite flotte, après trois semaines de navigation dans l’inconnu de l’Océan Pacifique, en vue de Malacca. Grands et petits bateaux, blancs et multicolores, jonques et praos d’origine malaise, chinoise et siamoise se pressent voile contre voile dans la rade immense. Tout vaisseau qui veut aller de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud, de l’Inde en Chine, des Moluques en Perse est obligé de passer par ce Gibraltar oriental. On échange dans cet entrepôt toutes les marchandises imaginables, les clous de girofle des Moluques et les rubis de Ceylan, la porcelaine de Chine et l’ivoire du Siam, les cachemires du Bengale et le bois de santal de Timor, les lames damasquinées de l’Arabie, le poivre de Malabar et les esclaves de Bornéo. L'expédition reviendra plus tard à Séville quelle avait quitté trois ans plus tôt -forte de cinq caraques et 265 hommes- maintenant réduite à 18 hommes. Epuisée, glorieuse. Sans Magellan qui trouva une mort absurde lors d'une rixe avec des sauvages aux Philippines, son exploit accompli ! Coup de chance pour la postérité du grand navigateur, l’écrivain du bord, Pigafetta

faisait partie des survivants. Sans lui le récit de Zweig et de tous ceux qui se sont attachés à faire revivre ce grand épisode maritime aurait été impossible.

Giorgio MONACO SORGE