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La démocratie en péril : des lecteurs réagissent


Réaction de Giorgio Monaco Sorge, notre ami italien


Cher Edouard,

J’ai bien lu et apprécié ton texte au sujet de la démocratie et des dangers qu’elle court actuellement.

J’aurais cependant choisi un titre plutôt hypothétique comme « Que ferions nous si nos démocraties étaient en péril ».

De nos jours la démocratie est en danger sous des formes peut être différentes que dans le passé. Il suffit de penser à toutes les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, les « fake news », mais au fond c’est dans l’âme même de la démocratie d’apparaître souvent en danger car un de ses principes s’exprime par la phrase « Je ne partage pas tes idées, mais je me battrai afin que tu puisses les faire connaître ». Tolérance, respect de l’adversaire, fair play, en quelques mots une situation de confrontation ouverte.

Mais cette confrontation demande l’acceptation par tous les acteurs de la scène politique de règles claires et mutuellement respectées car le risque existe qu’ un des acteurs ne se conforme pas, ou pas assez, aux règles du jeu.

Le rôle de contrôle de l’opinion publique est alors fortement souhaité et la question principale est de savoir comment renforcer ce rôle de contrôle, surtout dans les pays qui n’ont pas une longue tradition démocratique : il suffit de regarder chez nous en Europe : en Hongrie (dictature dans l’entre deux guerres mondiales) qui a retrouvé sa liberté seulement en 1989 et en Pologne qui a retrouvé son existence seulement en 1920 pour puis perdu sa liberté entre 1945 et 1989.

Mon espoir est que les pays à plus ancienne tradition démocratique comme le Royaume Uni, la France, les Etats Uns, les Pays scandinaves, les Pays Bas (avec toutes les limites et les défauts de ce système démocratique dans chacun de ces Pays) puissent exercer un rôle de guide et même de correction contre certains risques de dégringolade autoritaire.

Je vois cependant un risque latent avec les puissants média qui agissent à échelle mondiale et qui semblent échapper à tout contrôle. Leur succès et leur diffusion capillaire rencontrent un manque d‘éducation à la démocratie, au respect, à la tolérance de plus en plus marquée dans nos populations. Là je pointe la responsabilité de l’éducation familiale, de l’école, des partis politiques qui ne semblent plus être entrainés à nous apprendre à nous méfier du « sensationalisme ».

A ce sujet il me semble prometteur que la Commission européenne ait présenté jeudi dernier 3 Décembre le « Plan d’action pour la démocratie européenne » qui identifie trois chantiers prioritaires : la résilience de notre système électoral, le soutien aux media indépendants et la lutte contre la désinformation .

Autant d‘objectifs dont la mise en œuvre passe par un encadrement plus stricte des géants du web ; « L’ère du gentleman’s agreement prend fin », a annoncé la Vice-Présidente de la Commission Européenne, Vera Jourova en charge des Valeurs et de la Transparence. en référence à la proposition faite aux plateformes numériques de prendre elles-mêmes les mesures nécessaires. Passer donc de l’autorégulation à la co-régulation. Cette transformation, « qui prendra des années » sera lancée par l’ « Acte sur les services numériques » que la Commission Européenne présentera la semaine prochaine. La deadline que se donne la Commission pour mettre en œuvre ce « Plan d’action pour la démocratie » est avant les élections européennes de 2024 . « Les gens doivent savoir pourquoi ils voient une annonce et qui l’a payée. Je ne veux pas que les élections soient une compétition de méthodes sales » a conclu sa présentation Mme Jourova.

Tu n’es donc pas seul, cher Edouard, à te faire des soucis pour l’état actuel de notre démocratie et donc le titre de ta contribution au blog devrait en effet être mis à nouveau à l’indicatif, « que FERONS nous si la démocratie EST en péril ».

Un bon dimanche,

Giorgio


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Réaction de Jean-Paul NERRIERE


Cher Edouard,

je viens de lire ton texte avec grand intérêt, mon cher Edouard, et relevé avec minutie ton emploi distingué des temps dans les conjugaisons de tes verbes. Il y a en effet des nuances entre « que ferons-nous si la démocratie est en péril ?» selon ta rédaction, et « que ferions-nous si la démocratie était en péril ?», ou « que ferons-nous quand la démocratie sera en péril ?», ou encore « que faisons-nous pour une démocratie en péril ?» Voire des formulations évitant le pronom personnel « nous » comme sujet du verbe, puisqu’il présuppose que les acteurs d’une éventuelle convalescence ne sont autres que « nous », ce qui suppose que la démocratie fonctionne encore et que « nous » sommes toujours collectivement « souverains » : c’est la définition de la démocratie, puisque le peuple n’est constitué que de « nous ». « Que faire si la démocratie est en péril ?», qui accepte implicitement d’éventuelles solutions extérieures à la souveraineté du peuple, comme l’appel démocratique à l’homme providentiel, attributaire des pleins pouvoirs… Augusto, Benito, Adolf, Philippe, d’autres, tous différents et inégaux… il faudrait choisir, et ne pas rêver du maintien intégral des libertés chéries, si habituelles que beaucoup tendent à oublier combien elles sont précieuses. Graves surprises douloureuses plus tard si la démocratie n’arrivait plus, sous peu, à se faire respecter, aimer, désirer.

Comme me le disait Philippe H., ceux qui protestaient contre le couvre-feu et s’appliquaient à le contourner n’avaient pas connu la période, dont lui se souvient comme moi, où sa violation n’était pas sanctionnée par une amende présumée lourde et dissuadante, mais par une villégiature commencée à Drancy et poursuivie à Dachau ou Ravensbrück.

Cela dit, ton propos est justifié par la situation, et l’interrogation est obsédante dans un pays dont je ne vais pas énumérer les dérives, tant leur densité et leur effervescence ne laissent de me consterner. Qu’espérer en ce moment d’une nation qui laisse profaner ses symboles les plus sacrés, puis insulter et agresser physiquement et moralement ceux qui ont pour mission et vocation de protéger les biens et les personnes : je rappelle qu’une agression par engin incendiaire est sanctionnée par le code pénal de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, portés à 10 ans et 500 000 euros si les faits sont commis en bande organisée…(article 322-11-1) Combien de condamnations ? .

Merci de m’avoir communiqué tes idées. J’attends ton programme de réponses concrètes à la question que tu poses. Et j’attends surtout celle de notre pouvoir exécutif, qui me semble avoir du mal à faire que soient exécutées les lois votées par notre pouvoir législatif. N’est-ce pas sa mission première, à commencer par le respect de l’ordre qui garantit à chacun une vie normale et impliquée ? Triste période, et qui n’augure pas grand-chose d’enthousiasmant. J’en ai peur, et je redoute les lendemains, à thérapeutique d’autant plus insupportable qu’elle sera plus tardive.


Amitiés

Jean-Paul




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