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LE PEUPLE NON, LA SOCIETE CIVILE OUI ! par MARTINE BERLET

« Nous sommes le peuple » proclament certains, qui est « nous » ? Qu’est-ce que « le peuple » ? Qui peut parler au nom du « peuple » ? Le peuple, dans aucun pays, n’existe dans la réalité. Marx, entre autres, l’a brillamment démontré, le peuple est constitué de classes antagonistes animés d’intérêts contradictoires ; l’ascenseur social, donné comme indispensable au fonctionnement de la société démocratique, suppose qu’il y a ceux d’en haut et ceux d’en bas, les plus nombreux, qui font la queue devant l’ascenseur. Le principe même de l’attribution de pouvoirs dans une société suppose qu’il y a ceux qui en ont et ceux qui n’en ont pas. Et les représentations sociales, phénomène inévitable et préparatoire aux discriminations et aux injustices invisibles – sexisme, racisme, rejet du handicap, de la pauvreté, de la laideur - achèvent de cliver les citoyens en catégories irréconciliables. La haine existe, nous l’avons rencontrée, souvent dans la banlieue, parfois sur un simple rond-point.

Parler au nom du peuple, c’est faire prendre des vessies pour des lanternes qui n’éclairent que ceux qui veulent combattre pour le pouvoir et non pour une société juste et équilibrée.

L’équilibre, la justice, et donc le partage des richesses et du bien-être passe par le partage du pouvoir et de l’influence. La prise en compte de la diversité et des contradictions est réalisée de manière spontanée, dans une société libre, par l’existence d’associations de citoyens qui s’unissent pour faire valoir une situation commune qu’ils estiment parfois injuste et préjudiciable, souvent gravement. A l’instar des syndicats, aujourd’hui dévalorisés et moribonds dans l’entreprise privée, les associations « loi de 1901 » offrent aux décideurs politiques des réservoirs d’analyses et de détermination au service de la résolution de contradictions, d’injustices structurelles, et, finalement, de pertes de chances de la société tout entière.

Les syndicats doivent assurer l’équilibre et donc la justice face au pouvoir des entreprises sur la vie personnelle de chacun, sur la vie collective dans l’entreprise et sur la société dans son ensemble. On le sait, l’exercice de ce pouvoir est vital pour l’entreprise, celles qui échouent sont celles qui n’ont pas réussi le dialogue social.

De même, les associations, face aux pouvoirs politiques locaux et nationaux, aux administrations et aux intérêts économiques ou politiques d’autres citoyens, plus riches ou mieux organisés, sont les voix qu’il faut écouter si l’on veut gouverner au service des citoyens. La démocratie participative existe, il faut lui donner sa place dans un dialogue organisé, qui sera souvent multipartite, associant les parties prenantes, quelles qu’elles soient :

services publics/syndicats/usagers, ou bien : entreprise /syndicats/fournisseurs/consommateurs,

ou encore : agriculteurs/distributeurs/consommateurs/défenseurs de l’environnement, médecins/ sécurité sociale/patients,

sans parler de l’essentiel, la mère de toutes les batailles, la négociation entre patronats, syndicats, Pôle emploi, associations de chômeurs, l’Etat, les collectivités…

Donnons de l’argent et du pouvoir aux associations, exigeons d’elles une efficacité démocratique – gouvernance, finances, éthique – comme il faut l’exiger des syndicats, car ils sont les vrais remèdes au lobbying décomplexé des riches et des puissants. Formons des médiateurs, facilitateurs, argumentateurs, il existe des cycles d’études pour ces métiers.

La démocratie participative est complémentaire de la démocratie représentative, les deux sont indispensables.

Martine BERLET

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