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L'EUROPE EST PLUS SOLIDE QU'ON NE PENSE

Il est de bon ton de proclamer le déclin de l’Union européenne et sa prochaine dislocation. Ce courant d’opinion repose sur l’incomplète refonte de la gouvernance de l’Union après l’élargissement massif aux pays d’Europe de l’Est et la montée en puissance des partis d’extrême droite à partir de revendications identitaires liées aux questions migratoires. Enfin depuis très longtemps les dirigeants des Etats membres ont contribué à déstabiliser l’édifice en faisant des institutions communautaires le bouc émissaire de maux qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer.

L’Union européenne est en réalité plus solide qu’on ne pense, comme l’illustrent les exemples suivants :

  • Les opinions publiques européennes expriment un très fort attachement à l’euro comme facteur de protection de l’épargne et élément facilitateur des échanges et déplacements. Cette approbation d’un outil très intégrateur, peu mis en évidence, est un contre-point fort à l’euroscepticisme ambiant.

  • Les Etats membres ont, jusqu’à présent, formé un bloc très uni durant les longues négociations sur le Brexit et ont résisté sans coup férir aux tentatives britanniques de fissurer cette belle entente. Ils ont fait l’Union sacrée autour des positions des 27 et de Michel Barnier, le négociateur en chef, et ont vite perçu le risque de contagion présenté par cette demande de sortie. Cette unanimité illustre bien l’attachement fort à l’Union européenne au-delà des discours de façade. Les négociations ont mis au grand jour l’extraordinaire imbrication des économies et des mécanismes de décision et les conséquences très lourdes d’une décision de retrait. L’échec britannique devrait servir de repoussoir à des velléités du même ordre en provenance d’autres Etats membres.

  • Dans le même ordre d’idées, la Commission européenne a repoussé - en accord avec les Etats membres -les tentatives des séparatistes catalans de faire reconnaitre leur mouvement, préalable à des démarches d’adhésion ultérieures qui auraient fait des petits auprès des régionalistes basques, corses, écossais etc.

  • Les récentes tentatives italiennes de s’affranchir du respect des règles budgétaires de Bruxelles n’ont reçu quasiment aucun soutien extérieur et, malgré ses rodomontades, le gouvernement italien a dû dans une large mesure passer sous les fourches caudines de la Commission … et des marchés financiers.

  • Les velléités de Donal Trump de disloquer les accords commerciaux Etats-Unis-UE en faisant miroiter des accords bilatéraux sont également restés sans suite, les européens étant convaincus dans leur grande majorité que le multilatéralisme est source essentielle de prospérité.

  • Enfin, le traité de Maastricht a étendu les compétences communautaires à de très nombreux secteurs d’activité qui se trouvent sous la houlette plus ou moins souple de Bruxelles. Il en résulte des échanges réguliers et intenses entre experts d’entreprises, administrations, organisations professionnelles, associations, en vue d’échanges de bonnes pratiques, participation à des programmes communautaires, tâches de normalisation etc. Ces milliers de responsables qui se rencontrent très régulièrement à Bruxelles forment une armée de l’ombre, dont on ne parle quasiment pas, qui tisse l’Europe au quotidien au sein d’une toile humaine très dense. Cette cohorte d’experts font une pédagogie de l’Europe, partagent leurs expériences et souvent leur passion dans leurs milieux professionnels et familiaux. Ces missionnaires du Thalys qui renforcent l’esprit communautaire méritent d’être salués pour cette tâche obscure mais précieuse.

L’Union peut persévérer dans son être et résister à de nombreuses agressions extérieures pendant longtemps en raison de sa vitesse acquise, de son poids économique et de l’attachement que lui voue majoritairement sa population et ses dirigeants. Mais elle est, selon moi, confrontée aux grands défis suivants : Création d’une politique de défense dans un contexte de retour de l’isolationnisme américain, d’ambitions militaires chinoises inédites et de pressions territoriales russes toujours présentes ; enjeux migratoires qui vont devenir de plus en plus aigus sous l’effet de la croissance démographique en Afrique dans un contexte de pauvreté persistante ; enjeux environnementaux et climatiques

Si le risque de dislocation à la mode soviétique est faible, celui du déclin est plausible si l’Union ne parvient pas à construire des consensus forts, qui lui font défaut, sur ces défis majeurs. Edouard BERLET

L'UNION EUROPÉENNE FONCTIONNE...ET ENCORE MIEUX SANS LES ANGLAIS

D’accord avec Edouard pour dire que l’Union européenne fonctionne mieux que ce que l’on croit quand on n’a pas eu l’occasion d’y regarder de prés.

De mon point de vue, les anglais ont endommagé sérieusement le projet européen par leur obstination à refuser toute forme d’entente européenne sur la fiscalité et tout approfondissement de l’Europe sociale. L’Europe sociale existe, une trentaine de directives d’harmonisation de la protection sociale et du droit du travail s’appliquent dans nos 28 pays.

A l’époque du traité de Maastricht, négocié en 1990 par l’inoubliable Maggy, les anglais ne sont pas parvenus à bloquer intégralement le volet social, et une partie de celui-ci a donc été conçu sur la base de prises de décisions à la majorité qualifiée. Les anglais se sont ensuite toujours opposé à toutes les directives sociales qui ont été proposées, mais ne sont pas facilement parvenus à former des minorités de blocage, du moins jusqu’à l’arrivée des pays de l’est (2005), dont ils avaient fortement poussé l’intégration.

Ils ont néanmoins obtenu que dans le Traité de Maastricht, la question des salaires soit un « domaine exclu » des compétences de l’Union. Lors de la négociation du Traité de Lisbonne (2005) les partis de gauche au sein du Parlement européen ont fortement plaidé pour un salaire minimum européen, calculé en fonction du PIB par habitants et selon des règles que chaque pays pourrait adapter à son économie. Ce dispositif aurait été utile pour freiner les délocalisations, la concurrence déloyale et le flux des travailleurs migrants, qui affaiblit l’économie des pays de départ et les conditions sociales des pays d’accueil. N’ayant pas de salaire minimum chez eux, les anglais s’y sont opposés, et ont obtenu que la clause d’exclusion de ce sujet, soit maintenue. Elle est pourtant hautement utile à examiner dans une économie intégrée

En ce qui concerne une éventuelle harmonisation fiscale, qui n’existe que pour les taux de TVA – ils doivent être supérieurs à 15% sauf pour une liste de produits de première nécessité – les anglais y ont toujours été farouchement opposés, et les traités tels qu’ils sont rédigés ne la permet que par une décision des Etats membres à l’unanimité. Une fois les anglais partis, il y aura probablement d’autres pays qui n’y seront pas favorables, et seule la renégociation de ce chapitre du Traité actuel pourra permettre d’avancer. Ce sera la condition pour parvenir à une réelle taxation des profits des multinationales, qui jouent sur une concurrence à la baisse entre les Etats (par les rescrits fiscaux), et font la fortune de l’Irlande et du Luxembourg, dont les PIB par habitant sont les plus élevés au monde.

En revanche, les britanniques ont été de bons partenaires dans la construction d’une politique commune de coopération avec les pays pauvres, qui a fortement progressé à partir de l’an 2000, et pour l’élaboration de normes vigoureuses dans le domaine de l’environnement.

D’accord avec Edouard pour saluer l’armée de l’ombre des négociateurs, gens de réseaux et de la société civile qui hantent les Thalys, mais aussi les Eurostars, car de nombreux anglais avaient l’habitude de se joindre à leurs homologues européens, et la légende dit même qu’ils devenaient, après quelque temps, de fanatiques prosélytes européens... Martine FRAGER BERLET

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