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LA FRANCE ET LA MER : UNE RENDEZ-VOUS MANQUE

Dans la précédente Edition du blog j’ai présenté un des axes majeurs du programme de recherche OCEANIDES : « Qui tient la mer, tient la terre », qui développe le rôle majeur de la mer dans la vie de l’humanité. Cet article est consacré au travail des chercheurs sur « la France et la mer »

Historiquement la France a très peu été tournée vers la mer. C’est vers le continent qu’elle a toujours orienté sa défense. Elle fut le pays d’Europe le moins ouvert au libre-échange et à l’économie de marché. Elle développa une culture protectionniste alors que de façon paradoxale, elle est le seul pays d’Europe bordé par quatre mers (Manche, Atlantique, Méditerranée, Mer du nord).

Quelles en sont les raisons ?

Au moyen âge, contrairement aux Pays Bas, à l’Angleterre et au Portugal, la France n’était pas un pays maritime. Elle s’est progressivement agrandie depuis son centre (l’Ile de France) et n’atteignit le littoral qu’assez tardivement. Ainsi le Nord resta longtemps une terre espagnole, l’Aquitaine (au sens large) fut anglaise jusqu’en 1472. La Bretagne et la Provence devinrent progressivement françaises à partir de 1500. Elle ne s’est pas pensée dès le départ comme une nation maritime.

Trois freins se sont s’ajoutés à ce handicap initial :

En premier lieu, bien qu’elle fût un grand pays agricole par l’étendue de son territoire et de sa population, cette activité était faible et marquée d’archaïsmes, comparée à celle de ses grands concurrents. Ceci freinera ses rendements agricoles et par voie de conséquence son développement maritime pour les raisons suivantes : Les provinces françaises avaient l’obligation d’avoir une production agricole permettant la satisfaction de la totalité des besoins de la population. Les échanges agricoles vers l’extérieur étaient interdits ce qui, faute de concurrence, a empêché les gains de productivité et l’amélioration des techniques de production. A l’inverse l’Angleterre, les Pays Bas dotés de terres moins riches furent vite conduits à compenser leur déficit de production par des échanges agricoles par voie maritime. Ils ne pouvaient se permettre cette politique d’autosuffisance aux effets en réalité délétères. Le passage à l’économie industrielle et de services s’en trouva accélérée dans ces pays.

En second lieu, la superficie du territoire français beaucoup plus importante que celle de ses voisins a freiné la formation d’un marché unifié favorable aux échanges. Celui-ci impliquait la construction de routes et voies fluviales qui s’est avérée en France couteuse et lente. La constitution d’une économie ouverte en a été retardée. Au contraire, favorisée par une taille plus petite, une population plus dense et sa position insulaire, l’Angleterre a constitué beaucoup plus rapidement un réseau de communication performant et ouvert vers ses ports et le large. Ces caractéristiques géographique et démographique ont également favorisé la création des banques et de l’économie fiduciaire, propices aux échanges maritimes, alors que l’économie de troc ou faiblement monétarisée s’est maintenue plus longtemps chez nous. Autre indicateur de ces différences, dès le milieu du 19è siècle l’Angleterre comptait plus de citadins que de ruraux, ce ne fut le cas de la France que vers 1930.

En troisième lieu, la société française était une société figée. Depuis le Moyen âge, la reconnaissance sociale passait par la propriété de la terre. La noblesse, qui donnait le la, ne se lançait pas dans le commerce, marque de dérogeance. Malgré les efforts de certains rois, Louis XIV notamment, la situation bougea peu au fil des siècles. Ceux qui s’engageaient dans la voie des affaires en tiraient peu d’avantage autre que financiers. Au 18è siècle, les riches bourgeois en quête de reconnaissance et d’anoblissement investissaient leur fortune dans la terre et l’agriculture pourtant bien peu rentables. A l’inverse en Angleterre la gentry composée de petits nobles fut dès le 15 è siècle le fer de lance de l’économie ouverte et maritime avec le soutien royal.

Cet héritage rural, terrestre et peu enclin à la mobilité reste encore très vivace dans notre pays. Pourtant des tendances à l’ouverture économique et au monde sont puissamment à l’œuvre. Ce sera l’objet du prochain blog consacré à la France maritime aujourd’hui. EB

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